Qui n'a jamais pensé améliorer les performances de sa voiture d'un revers de la main, et ajouter quelques précieux kilomètres au démarrage afin de pouvoir enfin s'insérer sur ce rond-point juste avant le travail ?
Le corps humain pourrait également être comparé à une mécanique bien huilée, concrète et améliorable. Celui-ci est très efficace, et l'un des mécanisme qu'il met en place lors d'un effort est la potentialisation post-activation (ou PAP).
La PAP, qu'est-ce que c'est ?
Cette potentialisation consiste en une amélioration éphémère des performances sportives suite à un effort particulier. Il a été mis en évidence que la PAP existe bien et que la contractibilité du muscle squelettique peut faciliter la contraction de force volontaire.
Pour la déterminer, Hodgoson a utilisé des décharges électriques, et en utilisant des décharges d'au moins 90 Hertz, ils se produisait une phosphorylation des chaînes légères de myosine, ce qui rend l'actine et la myosine plus sensibles au calcium.
L'actine et la myosine sont les protéines composant le sarcomère, la plus petite unité contractile du muscle, et le calcium joue un rôle essentiel dans leur mécanique créant la contraction musculaire et donc le mouvement. Cette phosphorylation rend les tissus musculaires entre 5 et 20% plus sensibles au stimulus nerveux.
Cela signifie plus simplement que le cerveau communique mieux ses informations aux muscles, et que ceux-ci se contractent plus vite et plus fort à la suite d'un effort suffisamment intense. Selon Yuri Verkhoshanksy, l'effet de la PAP est comme « vouloir soulever une bouteille d'eau à moitié vide en pensant qu'elle est pleine ».
Ce phénomène est particulièrement utilisé dans le domaine athlétique, où l'utilisation de cette performance motrice supérieure à court terme va provoquer des changements neuromusculaires à long terme.
Ce monde est friand du contraste de charge (par exemple Bulgare lourd-léger) ou des complexes: un exercice concentrique lourd suivi d'un exercice pliométrique ou balistique. Cependant, l'utilisation optimale de la PAP se doit de suivre plusieurs paramètres, et est également a déconseiller aux athlètes débutants, leurs schémas moteurs n'étant pas assez développés.
La PAP est donc un « plus » qui permet d'atteindre juste le niveau au-dessus, et ne présente un intérêt que dans un contexte de performance recherché. Dans ce même esprit, la PAP possède des vertus intéressantes sur le mental de l'athlète à la suite de la performance améliorée, surtout quand celle-ci se produit immédiatement.
Comment ça marche ?
Tout d'abord, il faut définir l'effort initial, qui va créer cette PAP. Plusieurs études ont tenté de définir l'effort optimal concentrique avec différents pourcentages de la 1RM (par exemple Golas et coll. 2017 ; ou la méta-analyse de Tillin NA1, Bishop D. 2009) et il est ressorti une plage de 80% à 100%, avec un consensus sur l'intensité de 85% ou la 5RM comme étant probablement la plus efficace.
Un effort moins intense stimulerait moins le système nerveux et produirait une PAP moins puissante. Les intensité de 95 à 100% sont également sujettes à réserve et un niveau d'expérience très avancé, car le risque de fatigue est très élevé.
Effectivement, il est important que ce premier effort n'engendre pas trop de fatigue, car alors les bénéfices de la PAP lors de l'effort suivant seraient perdus !
Il se pose alors la question de la récupération. Les bénéfices de la PAP sont les plus grands juste après l'effort initial. Il est donc important dans ce cas, par exemple en cas de complexe, que l'effort initial ne fatigue pas.
Les bénéfices diminuent progressivement entre 4 et 10 minutes après l'effort, ce qui est donc plus rapide que la fatigue engendrée, si l'on choisit d'avoir un temps de repos avant le second effort. Un temps de repos optimal d'entre 4 et 8 minutes serait alors à préconiser et dépendrait de l'intensité du premier et du second effort, et le niveau de fatigue engendrée.
La PAP peut également être générée en utilisant d’autres régimes de contraction, l'isométrique et le pliométrique. L'isométrique est intéressant car il génère très peu de fatigue musculaire, mais son application peut être compliquée à mettre en place, surtout si l'on vise un angle de travail précis ou s'entraîne seul. La pliométrie quand à elle apporterait des effets qui se dissipent bien plus rapidement, et est donc à réserver avant des efforts très courts.
La théorie c'est beau, mais il est temps de l'appliquer ! Voici des exemples de protocoles utilisables tels quels, ou sources d'inspiration pour utiliser cette potentialisation dans vos entraînements.
Comme échauffement
La PAP est utilisée très souvent dans le monde de la force pour activer le système nerveux avant le travail principal. On peut très bien utiliser cette approche avant une séance de force, de puissance ou de masse en priorité, mais pourquoi pas d'hypertrophie moins intense également.
Pour l'activer, l'on a dit qu'il fallait soit une charge très lourde, soit une charge légère déplacée avec le maximum de vitesse possible.
La seconde approche est très intéressante car elle ne génère que très peu de fatigue et de mise en place.
Alors on peut utiliser la PAP comme échauffement ou comme premier exercice après l'échauffement général afin d'activer et de préparer le système nerveux au travail suivant. Par exemple Fred Hatfield effectuait un saut vertical maximum avant d'essayer un record au squat.
Pour ce faire, on a tout un choix d'exercices et de de protocoles. Par exemple, avant une séance de force de squat:
Box Jump ou Broad Jump 3 x 5
Il suffit de choisir des exercices plyométriques, balistiques ou d'haltérophile et de les effectuer de la manière la plus explosive possible, avec une intention de distance et de vitesse maximale.
Par exemple avant une séance haut du corps:
Medicine Ball Chest Throw + Slam 3 x 5 + 5
ou
Split Jerk 4 x 3 à 60-70%
On peut même effectuer un exercice polyarticulaire de musculation "classique" tant qu'il est effectué de manière très dynamique:
Muscle-up ou Traction Horizontale Explosive 3 x 5
Finalement, on peut aussi utiliser des résistances comme des chaînes ou bandes:
Kettlebell Row avec Bandes 4 x 6
Trap-Bar Deadlift avec Bandes 5 x 2
Étant donné qu'il ne s'agit que d'activation, et pour conserver les qualités explosives, voici mes recommandations:
• 1-2 exercices
• 3-5 séries
• 1-6 répétitions
• Poids du corps pour la plyométrie
• 40-60% pour les mouvements classiques
• 30-50% pour les mouvements avec résistance
• 50-80% pour l'haltérophilie
• 1-2 minutes de repos
Pour la force pure
2) Ratchet loading
Dans ce cas de figure, il est compliqué d'utiliser un contraste de charge quand on compte utiliser des séries de travail déjà très lourdes. Une possibilité est d'utiliser le ratchet loading ("séries à cliquet").
Dans ce protocole, l'on utilise des vagues de séries par paires utilisant le même poids, mais pas le même nombre de répétitions. Par exemple :
Ratchet 1 :
80% x 1
80% x 3
Ratchet 2 :
85% x 1
85% x 3
Ratchet 3 :
90% x 1
90% x 3
Etc...
La première série sert donc à activer le système nerveux avant un effort plus important, et permet d'augmenter la force tout en pratiquant des charges lourdes sans pour autant être trop dur sur le système nerveux central.
Un protocole classique utilisera 3 vagues, mais l'on peut en utiliser 4 sur un bon jour (la quatrième se ferait par à 92-95%). Le temps de repos est de environ 60-90 secondes après la première série, et de 2-3 minutes pour la seconde de chaque vague.
3) L'isométrie fonctionnelle
L'isométrie peut être très intéressante avant un effort maximal, car un effort concentrique engendrerait trop de fatigue, ou bien l'on ne pourrait tout simplement pas stimuler autant que la série de travail en elle-même !
Pour ce faire, l'on positionne les crochets de sécurité du rack à un angle critique, et l'on soulève la barre de juste 2 cm et l'on maintient la position 6 secondes, avec le poids maximal que l'on peut utiliser. Par exemple :
Isométrie fonctionnelle 6 secondes à 120%
1 minute de repos
2 RM
Pour un mix de force et d'hypertrophie
4) Le contraste 1/6
Une technique favorite de Christian Thibaudeau qui consiste à effectuer des contrastes de séries de 1 entre 90% et 95% et des séries de 6 entre 70% et 80% de la 1RM, avec chaque paire de séries graduellement de plus en plus lourde :
90% x 1
75% x 6
92.5% x 1
77.5% x 6
95% x 1
80% x 6+
Sur la dernière série, l'on continue jusqu'à l'échec, peu importe le nombre de répétitions. Le temps de repos est équivalent au ratchet loading.
5) La pyramide inversée
Il y a fort à parier que ce classique est déjà bien connu dans sa version hypertrophie pure. L'on va commencer avec les séries les plus lourdes et progresser vers une charge plus légère et un volume plus important.
Ici l'on zappe les séries de 3, 4 ou 5 afin de potentialiser au maximum le système nerveux sans générer trop de fatigue. La progression pourrait ressembler à celle-ci:
90-92% x 1
88-90% x 2
85% x 4
80% x 6+
L'on pourrait même rajouter une cinquième série à 70% avec un maximum de répétitions.
6) Ratchet loading
C'est la version orientée plus hypertrophie du ratchet 1/3. L'on utilise les mêmes temps de repos, mais des pourcentages plus bas et un volume plus élevé. Pour cette raison, l'on se limite à 3 vagues.
Ratchet 1 :
75% x 3
75% x 5
Ratchet 2 :
80% x 3
80% x 5
Ratchet 3 :
85% x 3
85% x 5+
Pour l'hypertrophie pure
7) La montée en gamme surchargée
Ce principe s'effectue sur les gros exercices de base (développé couché, squat, soulevé de terre...) lors de la montée en gamme. Au lieu de s'arrêter à une charge inférieure ou équivalente à la charge de travail visée, l'on effectue une série d'échauffement supplémentaire, à une charge supérieure de 5 à 10%.
Par exemple si l'on avait pour objectif de faire des séries de 10 à 100 kgs, la montée en gamme pourrait ressembler à ceci :
Barre x 20
50 kgs x 15
70 kgs x 10
90 kgs x 5
100 kgs x 2
110 kgs x 1
Et puis enchaîner sur les séries à 100 kgs.
8) L'entraînement complexe
Normalement utilisé avec pour but d'augmenter la contraction dynamique et la puissance, il peut se faire en commençant par un exercice pliométrique, dynamique ou balistique. L'intérêt en plus de la PAP, est d'effectuer l'exercice de vitesse-force toujours sans fatigue, puis d'en profiter pour construire du muscle.
Le changement de régime de contractions peut être très intéressant dans ce cas de figure pour travailler un muscle dans sa globalité et selon différent stimulus.
Par exemple une étude de Tim Ziegenfuss a prouvé que la vitesse d’exécution d'un même mouvement jouait sur le niveau de recrutement de chaque muscle.
Par exemple dans le cas du curl, un excentrique rapide accentuerait le travail du biceps brachial, tandis qu'un excentrique lent favoriserait le brachial antérieur ! Un protocole de ce genre développant puissance et hypertrophie pourrait ressembler à cela :
3 Sauts en longueur
Leg curl (tempo 4020) x 10-12 reps
3-4 séries
Pour la puissance
9) L'entraînement complexe
C'est certainement l'application la plus utilisée de la PAP. Il convient d'alterner des séries lourdes, et des séries sur des exercices pliométriques ou balistiques utilisant le même schéma moteur.
Dans tous les cas il convient d'éviter à tout prix l'échec et la fatigue, la notion de vitesse étant essentielle. Un repos complet, de 3+ minutes est essentiel dans cet optique également. Par exemple :
Développé Couché 85% x 3
Pompes Plyométriques x 5
10) Le contraste de charge
Cet entraînement également très utilisé respecte les mêmes principes que l'entraînement complexe, mais en conservant le même exercice.
Que les séries soient lourdes ou légères, la portion concentrique du mouvement doit s'effectuer avec une intention de vitesse maximale. Le poids lors des séries lourdes empêchera le dynamisme cependant. Par exemple :
Squat 85% x 3
Squat 40% x 6
Pour l'endurance... ?
La littérature scientifique commence à se pencher sur les efforts de type « cardio », avec des résultats intéressants, qui vont peut-être amorcer les pratiques de préparation physique de demain !
Par exemple Feros et coll. (2011) ou Doma et coll. (2018) se sont intéressés à la PAP en utilisant respectivement une contraction isométrique avant un 1000 m au rameur, et un effort supramaximal de 10 secondes au vélo avant un test de Wingate; dans les deux la PAP ayant démontré une performance sportive accrue chez les groupes l'ayant utilisée !
Une étude de février 2020 a testé les effets d'un entraînement complexe (séries de 5 squats et 6 sauts verticaux) sur des hockeyeurs professionnels 6 heures avant une performance sur glace en action, et a démontré également des effets bénéfiques sur les groupes l'ayant effectué, tant pour la vitesse des sprints que pour la concentration de lactates sanguins, la fréquence cardiaque et la perception de l'effort !
Cependant, la plupart des études se concentrent sur les filières dites « courtes » et celles sur l'aérobie se limitent à 20 minutes, mais qui sait, ses effets sur la performance pourraient même s’appliquer aux efforts de longue durée ! Piste à creuser pour les scientifiques et préparateurs physiques...
Maintenant, à vous d'implémenter ces techniques dans vos entraînements et passer au niveau supérieur!